L’ALSACE DU 08/03/2017 : Femmes tout terrain

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Un sport, une ville, un territoire

L'ALSACE DU 08/03/2017 : Femmes tout terrain

Les volleyeuses de l’ASPTT Mulhouse, leader de la Ligue A féminine, s’impliquent dans la cause féminine et vantent le partage. Aujourd’hui, elles visitent le quartier des femmes de la prison de l’Elsau. Deux semaines plus tôt, elles ont ouvert les coulisses du Palais des sports aux filles du groupe PSA.

« T’es pas à l’usine… Tu as la chance de vivre de ta passion… Alors donne-toi ! » Il n’y a pas de sportif, surtout pro, qui ait été épargné par ces coups de gueule vociférés par un coach. Magali Magail, l’entraîneur des volleyeuses de l’ASPTT Mulhouse, n’hésite pas à donner de la voix quand le besoin s’en fait sentir. Mais elle est allée encore plus loin dans sa démarche en proposant une confrontation directe entre ses sportives et les filles de l’usine Peugeot. « Parce que je crois à l’échange et au partage », explique le coach postier dont l’équipe est actuellement en tête de la Ligue A féminine. Le temps d’un match, à l’occasion de la venue de Terville-Florange, elle a ouvert les portes de son vestiaire à une délégation de cadres et d’ouvrières. Et, demain, ce sont les volleyeuses qui seront à l’usine.

« Tu es là pour transformer un produit noble en matière précieuse »

« Quand tu gères une équipe, tu tiens le même discours qu’un décideur économique ou un chef d’équipe, poursuit Magali Magail. Tu es là pour transformer un produit noble en matière précieuse. Et, surtout, pour obtenir des résultats ! »

Pour favoriser les échanges, volleyeuses et ouvrières ont formé des binômes établis en fonction du rôle de chacune dans leur quotidien ou de leurs origines. Respectivement espagnole et serbe, Emilia Lopez et Marija Ciric ont été associées à Maria Alejandra Marin et Bojana Markovic. Anne-Christelle Vally, responsable d’unité mécanique, a sympathisé avec le leader naturel qu’est Daly Santana. Quant à Magali Magail, elle a trouvé en Aude Delarue, la DRH, son homologue. Le hasard veut que cette dernière ait été volleyeuse dans ses jeunes années, à Moulins, dans l’Allier. « Jusqu’au moment où les quatre entraînements par semaine n’étaient plus compatibles avec les études » , confie cette dernière. Elle n’en demeure pas moins un coach dans son travail et partage des points communs avec Magali Magail : « Je suis là pour insuffler l’esprit d’équipe et créer un collectif. Comme un entraîneur, je dois mettre les gens à la place où ils vont s’exprimer le mieux pour chercher le meilleur résultat. Une entreprise, comme une équipe, a un an pour remplir ses objectifs. Tous les ans, tu recommences sans que rien, notamment le succès, ne soit acquis à l’avance. Et, pour que les gens aient envie de le suivre, le DRH, comme l’entraîneur, doit avant tout être un leader. »

« La recette du coaching, en sport comme au boulot, est identique »

Anne-Christelle Vally a la particularité de diriger une équipe d’hommes. « 25 gars et je suis la seule femme, explique cette dernière. Ce qui ne pose aucun problème… La recette du coaching, en sport comme au boulot, est identique. Je suis respectée et je respecte. Je suis passée par toutes les étapes de l’usine et, ça, les gars le savent… Je suis légitime dans le boulot et il n’y a pas un travail que je ne fasse pas parce que je suis femme ! »

En cette soirée victorieuse aux dépens de Terville-Florange, Anne-Christelle Vally n’en a pas moins encore appris : « Ce qui m’a le plus surpris, en plus de la solidarité dont les volleyeuses font preuve, c’est qu’elles ont le sourire même quand elles perdent un point. Elles ont une attitude positive quoi qu’il arrive ! »

« Elles sacrifient une partie de leur jeunesse »

À l’image des voitures estampillées du lion ou frappées des deux chevrons, certaines ouvrières présentes en cette soirée étaient sportives, d’autres moins… Certaines étaient natures, d’autres plus citadines. Dans la catégorie des sportives, le vélo et le running, sur fond de Zumba, sont plébiscités. Ce qui n’empêche pas Émeline Le Clainche de chausser les crampons avec l’équipe féminine de Raedersheim, au poste d’arrière gauche, ou Anne-Christelle Vally de coacher les jeunes handballeuses du HBC Ungersheim. Chacune avait un regard différent. Émerveillé pour l’une, indifférent pour l’autre.

Pour Sophie Walter, c’est « la notion de haut niveau qui est passionnante ». Véronique Nunninger apprécie en connaissance de cause, mais sans être admirative : « Mon père était entraîneur de gym à Cernay et, du coup, on faisait du sport tout le temps. Pour poursuivre, j’aurais dû partir en Pôle sur Strasbourg… Mais je n’avais pas envie de bouger et j’ai arrêté. La vie de sportive de haut niveau ne me fait pas rêver. Il y a beaucoup de privation pour elles et elles sacrifient une partie de leur jeunesse ». Pour Emilia Lopez, le constat est plus ludique : « Elles ont beaucoup de chance : elles voyagent, elles voient du monde et du pays ! » Un avis qu’Anna Kohler partage : « Je pense que leur notoriété offre de belles opportunités, qui peuvent servir à la fin de leur carrière sportive ». À l’inverse, Fabienne Kervarech n’échangerait pas son boulot pour jouer avec un ballon : « Elles ont une vie qui ne me fait pas rêver spécialement. Celle que j’ai choisie me va très bien. Moi aussi, je voyage avec PSA ! »

Et que ce soit pour Peugeot comme pour les volleyeuses de l’ASPTT Mulhouse, le résultat du moment frôle l’excellence… Pour eux, ça roule !

 

Article signé Christian Entz